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<small>(1) Document confié par M. Xavier Masson. Les deux correspondantes viennent de voir partir un fils et un frère.<br> (2) Registre tenu par le [[Decize curés|<u>curé</u>]] de [[Decize|<u>Decize</u>]], document transmis par M. l'abbé François Montagnon.<br> (3) ''Bulletin de l'Union Catholique du canton de Decize'', n° 7, décembre 1926.</small><br><br> | <small>(1) Document confié par M. Xavier Masson. Les deux correspondantes viennent de voir partir un fils et un frère.<br> (2) Registre tenu par le [[Decize curés|<u>curé</u>]] de [[Decize|<u>Decize</u>]], document transmis par M. l'abbé François Montagnon.<br> (3) ''Bulletin de l'Union Catholique du canton de Decize'', n° 7, décembre 1926.</small><br><br> | ||
==<font color="blue"><big>'''Les témoignages de plusieurs soldats.</big></font color="blue">== | |||
*Les récits les plus intéressants sont ceux qui nous sont restés des soldats qui ont participé à la Grande Guerre. Le siècle qui nous sépare de ces événements a fait disparaître les survivants et disperser la plupart des témoignages écrits. Néanmoins, il reste des cartes postales, des lettres, des carnets, parfois des correspondances complètes ; ces documents ont été pieusement conservés par les descendants des combattants.<br> | |||
===<font color="blue">'''<u>Les premières lettres de Gabriel Breton</u>.''' </font color="blue">=== | |||
*Gabriel Breton, né à [[Decize|<u>Decize</u>]] en 1890, étudiant en droit, est mobilisé le 3 août au 56<small><sup>e</sup></small> R.I. à Chalon, où il termine son service militaire. Voici le contenu des premières cartes qu'il envoie à sa mère et à sa sœur :<br> | |||
:'''Chalon-s-Saône, lundi soir, 3 août 1914.'''<br> | |||
::''Ma Maman, ma vieille sœur,<br> | |||
::''Voyage mortel de longueur. J'arrive à Chalon à 8 h et n'ai pas encore été à la caserne. Je suis éreinté. J'ai vu des scènes désolantes partout, au Creusot c'était abominable. Tous les hommes sont calmes et très résignés. Nous savons que la guerre n'est pas déclarée. Qu'il n'y a eu aucun combat. Que les Allemands voudraient bien n'avoir pas fait tant de bêtises.<br> | |||
::''Ai voyagé avec famille venant de l'Est, il n'y a plus personne à Toul, ni à Nancy, ni sur toute la frontière, sauf combattants. Vous embrasse et écrirai ce soir. Gabriel.''<br> | |||
:'''Chalon, lundi dans la nuit, 3 août 1914.'''<br> | |||
::''Ma chère Maman,'' | |||
::''Je viens de passer à Carnot<small><sup>(1)</sup></small> et je vais coucher au collège où nous sommes ; je vais partir avec le régiment actif 56, à la même compagnie, 10<small><sup>e</sup></small>. Vous pouvez m'écrire à cette adresse toujours tant que je ne vous en donnerai pas d'autres. La guerre doit être déclarée, mais il n'y a rien de bien précis ; quand même, je crois que si l'Angleterre avait agi plus énergiquement, nous n'en serions pas là. J'ai retrouvé tous mes collègues, tous mes anciens camarades, pas gais, ni les uns ni les autres. Les pauvres gens laissent famille, femme, enfants, beaucoup sont mariés. Tous sont fous contre les Prussiens. Je crois que ce sera affreux, vu l'énervement des hommes qui tous en ont cent fois assez. Il y a tout à l'heure au moins 1 million d'hommes à la frontière. Toutes les villes sont évacuées.<br> | |||
::''Aux dernières nouvelles, les Allemands voudraient passer en Belgique, mais les Belges vont se défendre énergiquement ; ils auront toute l'Europe à dos.<br> | |||
::''Ma pauvre maman, ma vieille sœur, je crois que nous nous en tirerons quand même. Je vous embrasse bien toutes les deux. La Marie aussi. Donnez mes amitiés aux Loiseau, Buisson, etc. Gabriel.<br> | |||
:'''Chalon, mardi 4 août 1914 ;'''<br> | |||
::''Ma chère Maman,<br> | |||
::''Nous sommes casernés au collège et nous prenons et nous faisons tous nos préparatifs pour partir, mais nous ne savons pas du tout quand nous partirons d'ici.<br> | |||
::''Nous avons beaucoup travaillé ce matin et c'est un rude ouvrage que tout cet équipement. Nous n'avons jamais été aussi beaux et nous sommes de neuf des pieds à la tête. Nous n'avons aucune nouvelle du centre de la guerre et nous ne savons encore absolument rien, que quelques dépêches qui sont démenties aussi vite.<br> | |||
::''Tous les chevaux des environs sont ici. De plus, la vie est tellement bon marché, car on ne peut plus faire d'expéditions et les légumes se perdent, et pour un ou deux sous on a des pommes de terre, melons, etc, etc, c'est curieux.<br> | |||
::''Je vous embrasse toutes deux bien fort et fais partir cette lettre à midi. Gabriel.''<br> | |||
:'''Mercredi soir, 5 août 1914.'''<br> | |||
::''Ma chère Maman,<br> | |||
::''Journée bien fatigante, bien énervante, bien déprimante. Nous avons travaillé comme des nègres et c'est fini maintenant. Nous partons à neuf heures du soir. Toute la population de Chalon est déjà sur le boulevard et aux portes des casernes. C'est un spectacle pénible. Les hommes ont beaucoup de courage, mais le vin et l'excitation nerveuse de ces journées y est [sont] pour beaucoup.<br> | |||
::''Nous avons plus de nouvelles qu'à [[Decize|<u>Decize</u>]]. Nous avons eu assez vite la déclaration de guerre et les premiers méfaits allemands. Je crois que ce sera une lutte horrible, car ces gens-là se conduisent comme des bouchers et il nous faudra vaincre ou être asservis. Je crois que nous vaincrons, mais ce sera certainement la chose la plus horrible que l'on ait jamais vu.<br> | |||
::''Ma chère Maman, ma grande sœur, je m'en vais avec bien du courage, le cœur bien gros de vous laisser, mais je crois que je ferai jusqu'au bout mon devoir contre ces barbares.<br> | |||
::''Je vous embrasse le cœur bien gros avant de partir. Gabriel.''<br> | |||
:'''Passavant, Haute-Saône, 12 h, [lettre écrite pendant le trajet en train et postée le 7 août].'''<br> | |||
::''Sommes partis depuis minuit direction Epinal. Nous ne savons pas encore où nous allons exactement. Vais bien. Bruits de victoire confirmés presque officiellement. Beaucoup d'enthousiasme.<br> | |||
::''Vous embrasse bien fort. Gabriel.''<br> | |||
::''Train arrêté ½ heure. Nouvelles de plus en plus confirmées que nos troupes ont pris Colmar et Mulhouse. 10<small><sup>e</sup></small> B<small><sup>tn</sup></small> Chasseurs s'est fait massacrer mais a exterminé grand nombre Prussiens.<br> | |||
::''Train prisonniers uhlans et mitrailleuses prises annoncées dans un instant.<br> | |||
::''Ecrire ce soir quand serons arrivés. G. Breton.''<br> | |||
:'''Châtel, près d'Epinal, jeudi 6 août 1914.'''<br> | |||
::''Nous venons de débarquer près d'Epinal et nous allons dans un petit village ; nous sommes à une cinquantaine de km des Prussiens. Pas de batailles très grosses, mais des escarmouches à notre avantage. Nous occuperons Munster, Mulhouse et Colmar ; le 10<small><sup>e</sup></small> B<small><sup>tn</sup></small> de Chasseurs n'a pas voulu tirer une seule cartouche et s'est précipité sur les Allemands, ils ont été anéantis mais ils ont fait un mal énorme aux Prussiens et ont permis aux nôtres de passer, paraît-il<small><sup>(2)</sup></small>.<br> | |||
::''Le moral des troupes est très bon. Vous devez être renseignées pour m'écrire mais la correspondance va mal ; je n'ai rien reçu de [[Decize|<u>Decize</u>]] depuis que je vous ai quittées. Nous sommes arrêtés dans un petit pays sur la Moselle, très gentil, les gens sont abrutis ; il a passé plus de 200000 [hommes] ici depuis cinq jours. Je vous embrasse. Gabriel.''<br><br> | |||
<small>(1) La caserne Carnot, à Chalon-sur-Saône. Le collège est actuellement le Lycée Pontus du Thiard.<br> (2) Information fausse : le 10<sup>e</sup> BCP n'arrive sur le front que le 7 août. L'occupation de Mulhouse ne se produit que le 8 août et elle ne dure qu'une journée. Quant à Colmar et Munster, elles ne seront prises qu'à la fin de la guerre. Les « bobards » circulent...</small> | |||
Texte de Pierre Volut http://histoiresdedecize.pagesperso-orange.fr/index.htm mis en page par --[[Utilisateur:Mnoel|Mnoel]] 13 août 2014 à 12:47 (CEST) | Texte de Pierre Volut http://histoiresdedecize.pagesperso-orange.fr/index.htm mis en page par --[[Utilisateur:Mnoel|Mnoel]] 13 août 2014 à 12:47 (CEST) | ||
Version du 13 août 2014 à 12:55
Que se passe-t-il chez nous ? Le départ de nos soldats.
- Dès l'annonce de la mobilisation, les jeunes hommes rejoignent les casernes où ils ont reçu leur affectation. Pour la plupart des mobilisés du canton de Decize, il s'agit des deux casernes du 13e R.I., et de son doublon le 213e, la caserne Pittié de Nevers et la caserne Charbonnier de Decize ; les autres doivent prendre le train et gagner d'autres villes de garnison.
- Voici trois témoignages à propos du départ des soldats :
Une lettre de Mlle Marguerite Breton adressée à Mlle Marie Defoulenay,
- « Decize, le 5 août 1914,
- Ma chère Marie,
- Et voilà tous les garçons partis !! Combien en reviendra-t-il ? En tout cas, les pauvres petits gars, ils partent bien courageusement, les trains se succèdent en gare de Decize et tous chantent et crient « A Berlin ! » Il y a certainement beaucoup de courage dans ceux qui partent et beaucoup de résignation dans ceux qui restent, et très calmes et très peu de larmes.
- Nous sommes en grande activité ; on installe à Decize un hôpital Croix-Rouge à 200 lits et plus si nécessaire. Tout le monde fournit sa literie et depuis ce matin nous transformons nos lits de plume en oreillers.
- Ayons bon espoir en nos succès et l’écrasement complet de l’Allemagne. Courage et espoir. Mes bons baisers à vous deux. Guite. Ecris-nous de temps en temps(1). »
- « Decize, le 5 août 1914,
Le curé de Decize Etienne Girard évoque dans son registre les premiers départs.
- « Dans les derniers jours de juillet, l'orage si longtemps suspendu à l'horizon de la France et de l'Europe, fondit tout à coup.[...]
- Le samedi 1er août, au milieu de la stupeur générale, le décret de mobilisation de toutes les armées de terre et de mer arriva vers les 4 heures du soir. Le lendemain, dimanche, l'émotion était à son comble. En l'absence du Curé, qu'une cérémonie religieuse avait appelé en Anjou, le vicaire annonça pour le lundi, à 5 heures, une Messe du Départ. L'église paroissiale se remplit à cette occasion, comme aux jours des fêtes. Les communions furent nombreuses ; et interminable la distribution des médailles pour les partants.
- A dater de ce jour, les prières pour les soldats se suivirent sans interruption, à l'église. Tous les soirs, de 7 heures et demie à 8 heures, le Salut précédé du chapelet et des oraisons appropriées. Le jeudi, à 2 heures, la Messe à l'intention spéciale des soldats de la paroisse attire une assistance qui remplit la grande nef et déborde dans les bas-côtés et les chapelles(2). »
- « Dans les derniers jours de juillet, l'orage si longtemps suspendu à l'horizon de la France et de l'Europe, fondit tout à coup.[...]
Douze ans plus tard, un Decizois se souvient :
- « C'était au matin d'un des premiers jours du mois d'août 1914. Quand le dernier des hommes, en tenue de campagne, eut franchi le seuil de la grande porte, les grilles se refermèrent avec un bruit sourd. Lentement, religieusement, le drapeau du 13e fut amené et prit sa place en tête de la colonne, caressant de ses plis le front de nos petits troupiers.
- Puis, dans cet horizon familier, les clairons et les tambours éveillèrent leurs échos accoutumés, tandis que le drapeau descendait la courbe du vieux faubourg, frôlant les seuils connus qui lui envoyaient des signes et emportant dans ses plis un peu de l'âme de ce peuple. A l'orée du grand pont, les trois couleurs s'éteignirent dans la verdure des platanes et - comme dit le langage populaire - le drapeau du 13e partit pour la gloire...(3) »
- « C'était au matin d'un des premiers jours du mois d'août 1914. Quand le dernier des hommes, en tenue de campagne, eut franchi le seuil de la grande porte, les grilles se refermèrent avec un bruit sourd. Lentement, religieusement, le drapeau du 13e fut amené et prit sa place en tête de la colonne, caressant de ses plis le front de nos petits troupiers.
La vie quotidienne va progressivement être bouleversée.
- La fête de gymnastique prévue à La Machine le 9 août est annulée, de même que la foire de Decize des 17 et 18 août et la fête patronale de Saint-Léger ; l'assemblée générale de la Société d'Électricité de Decize est repoussée à une date ultérieure ; l'Assemblée des Agriculteurs du canton de Decize se dissout et son président remet 823,55 F aux médecins de la Nièvre pour organiser les soins aux blessés. Le 14 août, une souscription publique est lancée à Decize pour secourir les infortunes causées par l'état de guerre ; la semaine suivante, c'est la Croix-Rouge de La Machine qui organise sa souscription. Les quêtes, les dons de vêtements, la confection de colis commencent...
- Les conseils municipaux doivent faire face au départ de plusieurs élus. Le maire de Decize, le docteur Régnier, part pour le front en tant que médecin-aide-major ; il sera remplacé par son premier adjoint, M. Archambault.
(1) Document confié par M. Xavier Masson. Les deux correspondantes viennent de voir partir un fils et un frère.
(2) Registre tenu par le curé de Decize, document transmis par M. l'abbé François Montagnon.
(3) Bulletin de l'Union Catholique du canton de Decize, n° 7, décembre 1926.
Les témoignages de plusieurs soldats.
- Les récits les plus intéressants sont ceux qui nous sont restés des soldats qui ont participé à la Grande Guerre. Le siècle qui nous sépare de ces événements a fait disparaître les survivants et disperser la plupart des témoignages écrits. Néanmoins, il reste des cartes postales, des lettres, des carnets, parfois des correspondances complètes ; ces documents ont été pieusement conservés par les descendants des combattants.
Les premières lettres de Gabriel Breton.
- Gabriel Breton, né à Decize en 1890, étudiant en droit, est mobilisé le 3 août au 56e R.I. à Chalon, où il termine son service militaire. Voici le contenu des premières cartes qu'il envoie à sa mère et à sa sœur :
- Chalon-s-Saône, lundi soir, 3 août 1914.
- Ma Maman, ma vieille sœur,
- Voyage mortel de longueur. J'arrive à Chalon à 8 h et n'ai pas encore été à la caserne. Je suis éreinté. J'ai vu des scènes désolantes partout, au Creusot c'était abominable. Tous les hommes sont calmes et très résignés. Nous savons que la guerre n'est pas déclarée. Qu'il n'y a eu aucun combat. Que les Allemands voudraient bien n'avoir pas fait tant de bêtises.
- Ai voyagé avec famille venant de l'Est, il n'y a plus personne à Toul, ni à Nancy, ni sur toute la frontière, sauf combattants. Vous embrasse et écrirai ce soir. Gabriel.
- Ma Maman, ma vieille sœur,
- Chalon, lundi dans la nuit, 3 août 1914.
- Ma chère Maman,
- Je viens de passer à Carnot(1) et je vais coucher au collège où nous sommes ; je vais partir avec le régiment actif 56, à la même compagnie, 10e. Vous pouvez m'écrire à cette adresse toujours tant que je ne vous en donnerai pas d'autres. La guerre doit être déclarée, mais il n'y a rien de bien précis ; quand même, je crois que si l'Angleterre avait agi plus énergiquement, nous n'en serions pas là. J'ai retrouvé tous mes collègues, tous mes anciens camarades, pas gais, ni les uns ni les autres. Les pauvres gens laissent famille, femme, enfants, beaucoup sont mariés. Tous sont fous contre les Prussiens. Je crois que ce sera affreux, vu l'énervement des hommes qui tous en ont cent fois assez. Il y a tout à l'heure au moins 1 million d'hommes à la frontière. Toutes les villes sont évacuées.
- Aux dernières nouvelles, les Allemands voudraient passer en Belgique, mais les Belges vont se défendre énergiquement ; ils auront toute l'Europe à dos.
- Ma pauvre maman, ma vieille sœur, je crois que nous nous en tirerons quand même. Je vous embrasse bien toutes les deux. La Marie aussi. Donnez mes amitiés aux Loiseau, Buisson, etc. Gabriel.
- Chalon, mardi 4 août 1914 ;
- Ma chère Maman,
- Nous sommes casernés au collège et nous prenons et nous faisons tous nos préparatifs pour partir, mais nous ne savons pas du tout quand nous partirons d'ici.
- Nous avons beaucoup travaillé ce matin et c'est un rude ouvrage que tout cet équipement. Nous n'avons jamais été aussi beaux et nous sommes de neuf des pieds à la tête. Nous n'avons aucune nouvelle du centre de la guerre et nous ne savons encore absolument rien, que quelques dépêches qui sont démenties aussi vite.
- Tous les chevaux des environs sont ici. De plus, la vie est tellement bon marché, car on ne peut plus faire d'expéditions et les légumes se perdent, et pour un ou deux sous on a des pommes de terre, melons, etc, etc, c'est curieux.
- Je vous embrasse toutes deux bien fort et fais partir cette lettre à midi. Gabriel.
- Ma chère Maman,
- Mercredi soir, 5 août 1914.
- Ma chère Maman,
- Journée bien fatigante, bien énervante, bien déprimante. Nous avons travaillé comme des nègres et c'est fini maintenant. Nous partons à neuf heures du soir. Toute la population de Chalon est déjà sur le boulevard et aux portes des casernes. C'est un spectacle pénible. Les hommes ont beaucoup de courage, mais le vin et l'excitation nerveuse de ces journées y est [sont] pour beaucoup.
- Nous avons plus de nouvelles qu'à Decize. Nous avons eu assez vite la déclaration de guerre et les premiers méfaits allemands. Je crois que ce sera une lutte horrible, car ces gens-là se conduisent comme des bouchers et il nous faudra vaincre ou être asservis. Je crois que nous vaincrons, mais ce sera certainement la chose la plus horrible que l'on ait jamais vu.
- Ma chère Maman, ma grande sœur, je m'en vais avec bien du courage, le cœur bien gros de vous laisser, mais je crois que je ferai jusqu'au bout mon devoir contre ces barbares.
- Je vous embrasse le cœur bien gros avant de partir. Gabriel.
- Ma chère Maman,
- Passavant, Haute-Saône, 12 h, [lettre écrite pendant le trajet en train et postée le 7 août].
- Sommes partis depuis minuit direction Epinal. Nous ne savons pas encore où nous allons exactement. Vais bien. Bruits de victoire confirmés presque officiellement. Beaucoup d'enthousiasme.
- Vous embrasse bien fort. Gabriel.
- Train arrêté ½ heure. Nouvelles de plus en plus confirmées que nos troupes ont pris Colmar et Mulhouse. 10e Btn Chasseurs s'est fait massacrer mais a exterminé grand nombre Prussiens.
- Train prisonniers uhlans et mitrailleuses prises annoncées dans un instant.
- Ecrire ce soir quand serons arrivés. G. Breton.
- Sommes partis depuis minuit direction Epinal. Nous ne savons pas encore où nous allons exactement. Vais bien. Bruits de victoire confirmés presque officiellement. Beaucoup d'enthousiasme.
- Châtel, près d'Epinal, jeudi 6 août 1914.
- Nous venons de débarquer près d'Epinal et nous allons dans un petit village ; nous sommes à une cinquantaine de km des Prussiens. Pas de batailles très grosses, mais des escarmouches à notre avantage. Nous occuperons Munster, Mulhouse et Colmar ; le 10e Btn de Chasseurs n'a pas voulu tirer une seule cartouche et s'est précipité sur les Allemands, ils ont été anéantis mais ils ont fait un mal énorme aux Prussiens et ont permis aux nôtres de passer, paraît-il(2).
- Le moral des troupes est très bon. Vous devez être renseignées pour m'écrire mais la correspondance va mal ; je n'ai rien reçu de Decize depuis que je vous ai quittées. Nous sommes arrêtés dans un petit pays sur la Moselle, très gentil, les gens sont abrutis ; il a passé plus de 200000 [hommes] ici depuis cinq jours. Je vous embrasse. Gabriel.
- Nous venons de débarquer près d'Epinal et nous allons dans un petit village ; nous sommes à une cinquantaine de km des Prussiens. Pas de batailles très grosses, mais des escarmouches à notre avantage. Nous occuperons Munster, Mulhouse et Colmar ; le 10e Btn de Chasseurs n'a pas voulu tirer une seule cartouche et s'est précipité sur les Allemands, ils ont été anéantis mais ils ont fait un mal énorme aux Prussiens et ont permis aux nôtres de passer, paraît-il(2).
(1) La caserne Carnot, à Chalon-sur-Saône. Le collège est actuellement le Lycée Pontus du Thiard.
(2) Information fausse : le 10e BCP n'arrive sur le front que le 7 août. L'occupation de Mulhouse ne se produit que le 8 août et elle ne dure qu'une journée. Quant à Colmar et Munster, elles ne seront prises qu'à la fin de la guerre. Les « bobards » circulent...
Texte de Pierre Volut http://histoiresdedecize.pagesperso-orange.fr/index.htm mis en page par --Mnoel 13 août 2014 à 12:47 (CEST)